Accompagner son enfant endeuillé
La mort est une réalité universelle à laquelle personne n’échappe, même les enfants. Pour ces dernières et ces derniers, le décès d’un proche peut être une période émotionnellement difficile. Le deuil représente un cheminement intérieur (ou processus psychique) qui est engagé pour faire face à la perte d’un être cher. Heureusement, le soutien des parents et des adultes significatifs peut aider à atténuer la tristesse qu’elles ou ils ressentent lors du deuil. Cependant, aborder ce sujet délicat avec les plus jeunes peut poser un défi aux parents, qui peuvent se sentir démunis pour trouver les mots justes. Malgré ces défis, il est impératif pour un parent d’accompagner son enfant à travers cette épreuve afin de prévenir les effets néfastes sur son développement émotionnel et psychologique, tout en favorisant une adaptation positive face à la perte.
Deuil chez l’enfant
Il y a peu de données statistiques sur le nombre d’enfants vivant un deuil en raison du caractère intime de cette expérience. Cependant, au cours de l’année 2022-2023, au Québec, 78 500 personnes sont décédées, tous âges confondus. En adoptant une perspective bioécologique, ces décès ont touché des voisines ou voisins, des amies ou amis et même des petits-enfants, les amenant ainsi à entamer un processus de deuil. Ce processus est profondément influencé par la manière dont les enfants appréhendent les concepts liés à la mort, tels que l’irréversibilité, la finalité, l’universalité et la causalité, des notions dont la compréhension évolue en parallèle avec l’âge et la maturité cognitive de l’enfant.
La notion de finalité indique que l’enfant comprend que la mort signifie la cessation totale des fonctions biologiques. L’universalité, quant à elle, implique que la mort est un phénomène naturel et inévitable pour tous les êtres vivants. La causalité fait référence à la capacité de l’enfant à comprendre les causes du décès d’une personne. Enfin, l’irréversibilité de la mort réfère à la compréhension par l’enfant que la mort est un état permanent duquel on ne peut revenir. La compréhension avancée de ces concepts joue un rôle crucial dans l’expérience du deuil chez l’enfant. Entre trois et cinq ans, l’enfant tend à percevoir la mort comme temporaire, souvent associée aux personnes âgées ou malades. Entre six et huit ans, elle ou il commence progressivement à saisir l’irréversibilité de la mort et reconnait la possibilité de sa propre mortalité, bien que le sentiment de pouvoir échapper à ce destin puisse encore être présent. Entre neuf et 12 ans, l’enfant qui présente un développement normatif développe une compréhension plus approfondie du concept de mort ainsi que des causes qui y sont associées. À cet âge, elles et ils prennent également conscience qu’il n’est pas possible d’échapper à la mort. Il est donc essentiel pour les parents et les adultes significatifs de guider les enfants dans la compréhension de ces concepts de manière appropriée à leur âge et à leur stade de développement cognitif. Cela peut contribuer à rendre le processus de deuil plus facile à traverser.
Par ailleurs, les circonstances entourant le décès, qu’il soit anticipé, soudain ou tragique, ainsi que la nature du décès, se répercutent également sur l’expérience du deuil chez l’enfant. Néanmoins, chaque enfant réagit de manière unique, certaines ou certains manifestant des difficultés psychologiques, comportementales et émotionnelles, telles que des difficultés à maintenir son attention, une diminution des performances scolaires, des comportements d’isolement ou encore de l’irritabilité. Par conséquent, elles et ils requièrent une attention particulière afin d’atténuer les conséquences de cette perte dans leur vie. Dans cette optique, il est essentiel de tenir compte de leur âge et leurs besoins singuliers en matière d’accompagnement. Il existe plusieurs moyens d’accompagner les enfants à travers cette période difficile et de les aider à intégrer la perte dans leur parcours de vie.
Comment accompagner une ou un enfant endeuillé?
Accompagner un enfant endeuillé peut présenter un défi pour les adultes, mais une compréhension accrue de la mort peut aider l’enfant à faire face à sa perte de manière plus saine et constructive. Par conséquent, il est essentiel pour les parents et les adultes significatifs d’offrir un soutien adapté à l’âge et au niveau de compréhension de l’enfant pendant cette période difficile. Voici quelques stratégies gagnantes pour aborder ce sujet délicat :
Discuter de la mort en amont d’un décès. Il est recommandé d’aborder le sujet de la mort avec les enfants avant qu’elles ou ils ne soient directement confrontés au deuil. Les enfants sont souvent exposés au concept de la mort à travers diverses expressions, jeux, films et histoires, ce qui peut influencer leurs perceptions et créer des idées préconçues. Ouvrir cette conversation permet aux enfants de poser des questions et d’exprimer leurs préoccupations, tout en les sensibilisant à cette réalité inévitable de manière adaptée à leur niveau de compréhension actuel de la mort.
Exemples de stratégie :
- Lire des livres qui traitent du sujet de la mort;
- Visionner des films, des dessins animés ou des émissions de télévision qui abordent la thématique de la mort de manière adaptée à l’âge des enfants;
- Profiter d’expériences naturelles telles que l’observation des plantes ou des insectes pour discuter du cycle de vie et de la mort.
Avoir une conversation transparente. Lorsque l’on aborde le sujet de la mort avec un enfant, il est crucial de s’adapter à son rythme et de répondre à ses questions de manière honnête, en évitant les euphémismes qui pourraient semer la confusion. Par exemple, il est déconseillé de comparer la mort au sommeil ou à un voyage. Il est préférable d’utiliser le terme précis « mort » lors de ces discussions pour éviter toute ambiguïté ou interprétation erronée. Les euphémismes peuvent engendrer des attentes irréalistes ou des comportements de recherche, tandis qu’une communication franche aide les enfants à appréhender cette réalité incontournable.
Exemples de stratégie :
- Répondre honnêtement aux questions de l’enfant sans précipiter la discussion;
- Poser des questions ouvertes pour encourager l’expression de ses pensées (par exemple : « Que sais-tu déjà sur la mort ? »).
Se souvenir. Il est essentiel de maintenir le souvenir d’un proche décédé en continuant à parler de la personne et en préservant les souvenirs qui lui sont associés, tout en respectant le choix de l’enfant quant à l’importance de cette personne dans sa vie. En maintenant une conversation ouverte et respectueuse sur le souvenir du proche décédé, l’adulte aide alors l’enfant à traverser le deuil tout en conservant des liens affectifs avec la personne disparue.
Exemples de stratégies :
- Partager des anecdotes et des histoires avec l’enfant pour évoquer des souvenirs liés à la personne décédée;
- Créer un album photo ou un recueil d’images pour conserver visuellement les moments partagés avec le proche disparu et garder des objets significatifs ou symboliques qui rappellent la personne décédée, comme un vêtement, un bijou ou un objet spécial.
Accueillir les émotions. Les enfants peuvent ressentir toute une gamme d’émotions à la suite d’un décès, y compris la culpabilité. Il est important de les encourager à exprimer leurs sentiments et de les rassurer en leur expliquant qu’elles ou ils ne sont pas responsables du décès. En encourageant l’expression des émotions et en offrant un soutien émotionnel adapté, les adultes peuvent aider les enfants en deuil à traverser cette période difficile.
Exemples de stratégies :
- Valider les émotions de l’enfant en lui expliquant qu’il est normal de ressentir de la tristesse, de la colère ou de la confusion;
- Partager ses propres émotions avec l’enfant, montrant ainsi qu’il est normal de ressentir ces sentiments et que l’on peut en parler ouvertement.
En bref, accompagner un enfant en deuil constitue une tâche significative pour les parents, mais il est essentiel d’adopter des approches sensibles et efficaces pour soutenir son bien-être émotionnel et psychologique. La mort est une réalité inévitable et, même s’il peut s’avérer exigeant d’aborder ce sujet avec les enfants, cela leur offre l’opportunité de comprendre et d’assimiler cette réalité. En explorant le thème de la mort avant qu’elles ou ils ne soient confrontés au deuil, en ayant des conversations transparentes, en préservant les souvenirs de la personne décédée et en encourageant l’expression des émotions, leurs parents et les adultes qui les côtoient peuvent jouer un rôle crucial dans le processus de deuil des enfants. Enfin, sachez qu’il est acceptable de répondre « je ne sais pas » à son enfant lorsque nous n’avons pas la réponse à sa question, ce qui démontre son ouverture à la communication et l’acceptation de la complexité de la situation.
Article rédigé par Camille Bélanger, étudiante à la maîtrise; Myriam Lapointe-Breton, ps.éd., candidate au doctorat en psychoéducation; et Alexa H. Desgroseillier, ps.éd., candidate au doctorat en psychoéducation.
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